Actualité·TRIBUNE DES MEMBRES

Emmanuel Macron, l’immobilisme en marche

Le candidat d’En Marche ! se prétend le candidat du changement, de la transformation, voire même de la « Révolution ». Mais pour Benjamin Masse-Stamberger, journaliste et ancien Grand reporter à L’Express, membre du Comité Orwell, rien n’est moins sûr.

Emmanuel Macron, candidat du changement ? Le nom-même de son mouvement le laisse entendre, et ses soutiens vont sur les plateaux de télévision porter la bonne parole de la réforme, de la « transformation radicale », quand ce n’est pas carrément de la « révolution ».

Qu’en est-il en réalité ? Si l’on s’en tient à la définition, l’objectif d’un aspirant au « changement » est de défendre une mutation en profondeur de la société, dans ses composantes économiques, sociales, culturelles, territoriales… Le changement fera forcément, au moins à court terme, des gagnants et des perdants. Pour un candidat à la présidentielle, l’objectif est qu’en définitive l’intérêt général sorte renforcé des bouleversements annoncés.

À cet égard, il est intéressant d’observer ce que proposent les différents candidats en matière économique et sociale, sphère dans laquelle Emmanuel Macron a construit sa réputation de « réformiste radical. »

Si l’on observe le programme des deux autres favoris de cette présidentielle, on constate qu’ils proposent l’un comme l’autre un changement profond en la matière. François Fillon défend une baisse massive des dépenses et de du poids de l’État dans l’économie, afin de redonner de la liberté aux acteurs privés, de la souplesse et de l’agilité à nos entreprises. On peut juger la potion plus ou moins amère, mais on comprend les efforts qu’elle exige, les voies qu’elle emprunte, ainsi que l’objectif qui est poursuivi. Marine Le Pen, de son côté, souhaite sortir de l’Europe et de l’euro afin de « reprendre le manche » et d’éviter, grâce à la dévaluation, d’avoir à faire peser les efforts de compétitivité sur les salariés. Là encore, on peut être défavorable à ce programme, juger imprévisibles ou dangereuses les conséquences d’un tel projet. Au moins est-il sur la table.

Qu’en est-il d’Emmanuel Macron? On avait cru comprendre la philosophie du projet: fluidifier le marché du travail pour mettre de l’huile dans les rouages d’une société bloquée. Favoriser les entrepreneurs contre les rentiers. Encourager les jeunes précaires plutôt que les salariés bardés de droits. Jouer les outsiders, contre les insiders. Après tout, pourquoi pas ? Le diagnostic est peut-être incertain, les gains espérés contestables. Mais du moins sait-on où l’on va, et pourquoi l’on vote.

Mais, depuis la présentation de son projet, début mars, plus rien n’est sûr. Au lieu d’un programme donnant corps aux objectifs qu’il s’est fixés, le candidat d’En Marche! a mis sur la table un patchwork de mesures de toutes formes et de toutes natures pour faire plaisir à tout le monde, et à ne fâcher personne: des économies, des dépenses, des baisses d’impôt, des primes, des investissements publics…On trouve de tout dans cette caverne d’Ali Baba. Mais quant à la colonne vertébrale qui devait structurer l’ensemble, on la chercherait en vain.

C’est qu’entre temps, le rapport de forces politique a changé. Pour continuer à progresser dans les sondages et tenter, en cas de victoire, de s’assurer une majorité aux Législatives, Macron devait s’assurer de soutiens politiques de poids. Pas question d’espérer grand-chose du côté d’une droite sous domination Filloniste. Il a donc fallu se tourner vers une gauche où éléphants et grands élus renâclaient, de peur d’endosser le costume du traître, en soutenant un projet plus libéral que social. Qu’à cela ne tienne: le programme de Macron, en gommant les aspects un tant soit peu subversifs de son projet, leur permet de franchir le Rubicon, tout en préservant la possibilité que des dirigeants de centre-droit s’y agrègent dans un second temps. Ce n’est ainsi pas par hasard, que, ces jours derniers, les ralliements de Bertrand Delanoë puis de Jean-Yves Le Drian ont pu être annoncés. D’autres suivront inévitablement.

Sauf qu’au passage, la visée transformatrice s’est trouvée noyée dans une combinaison que n’aurait pas reniée François Hollande, le mentor du candidat d’En Marche ! Pas étonnant, dès lors, que le programme de Macron ait été jugé par les observateurs comme s’inscrivant dans la continuité absolue du Hollandisme !

Alors, rien de nouveau sous le soleil ? Macron serait-il un adepte du fameux « Tout change pour que rien ne change » du Prince de Lampedusa ? Pas tout à fait car il y a une chose qui a effectivement été modifiée: le candidat lui-même, plus jeune, plus moderne, plus « cool ». « Au Diable le programme, faites-moi confiance ! »,semble dire Macron à ses fans, toujours plus nombreux. Au pays de Descartes, et d’Auguste Comte, on pourra juger cela un peu court. Aux groupies de Macron, on suggérera aussi cette simple réflexion: certes, reculer sur son programme avant même l’élection constitue une innovation méritoire et un signe indéniable d’adaptation réussie à la postmodernité triomphante. Mais est-ce vraiment un gage de réussite pour la suite des évènements ?

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5 réflexions au sujet de « Emmanuel Macron, l’immobilisme en marche »

  1. Bonjour, il a déclaré dans un discours vouloir faire triompher l’espérance. Donc en votant pour lui je rêve d’entrer dans une époque où je rêve d’un monde meilleur. Nous sommes dans le film Inception.

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  2. Tout le « marketing » de Monsieur Emmanuel Macron est de s’assurer de la continuité du système libéral, de son idéologie, en faisant croire que l’on va tout changer. Le changement dans la continuité… Le candidat d’ « En Marche » à l’élection présidentielle n’a rien à proposer, sinon l’ « ubérisation » de la société, le développement des transports en bus,…et des revenus au lance-pierre, avec peu ou sans couverture sociale pour le plus grand nombre. Conformément aux GOPÉ 2016/2017, toutes autres belles paroles de ce Monsieur sont; fadaises, billevesées, coquecigrues.

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  3. Je pense personnellement que vous vous trompez lourdement sur la nature même du programme de Macron. Et votre titre reflète d’ailleurs votre erreur. Car le cœur, et sa colonne vertébrale, du programme de Macron, repose sur la dynamique du mouvement. Et non pas sur l’immobilisme !

    Or la création de cette dynamique de mouvement, pour qu’elle soit efficace, nécessite fort justement d’agir sur plusieurs axes en même temps. Ce que vous considérez, à mes yeux à tort, comme , je vous cite, « un patchwork de mesures de toutes formes et de toutes natures pour faire plaisir à tout le monde, et à ne fâcher personne ».

    Vous ne pourrez jamais relancer un pays, avec toute l’inertie qui lui est associée, sans créer une dynamique de mouvement global. Qui mette les gens « en marche ». (tien donc ?).

    Après, je suis d’accord pour dire qu’être en mouvement ne suffit pas (même si je pense personnellement que la mise en mouvement de notre pays prendre plus qu’une mandature). Il faut ensuite que la direction de ce mouvement soit la bonne. Mais ça c’est tout un autre sujet.

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    1. Bah le problème avec ton commentaire, c’est qu’il est aussi vide et niais que les discours de Macron. La vie n’est pas une association sans queue ni tête de slogan. Il ne suffit pas de dire « en marche » pour qu’on le soit.

      Ce qui est dis c’est que les mesures proposés, les actions sur plusieurs axes en même temps, comme tu te plais à le dire, mène à la continuité de la politique d’Hollande qui lui même ne fait que suivre les directives européennes. Voter Macron, c’est voter pour le système financier qui n’a que faire du peuple et de son émancipation et qui ne pense qu’à enrichir ses actionnaires.

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