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Etat et entreprises : à quand l’unité nationale ?

Article de Frédéric Giqueaux (PDG du Groupe Maori) initialement publié sur le site ACSE (Association pour la compétitivité et la sécurité économique) et reproduit ici avec son aimable autorisation

L’unité nationale ne doit pas seulement se faire sur la scène politique. Il importe qu’elle soit également constatable entre les entreprises et l’Etat. Baroque dira-t-on ? Certainement pas. Il est désormais vain d’opérer des distinctions que la France semble cultiver en solitaire. La sécurité nationale est un langage commun, un bien commun, une œuvre commune. Il s’agit simplement de se mettre d’accord sur l’orthographe et la grammaire de cette langue imposée par notre siècle.

PROPAGER LA TERREUR : UNE GUERRE PSYCHOLOGIQUE

Retour sur les événements pour mieux décrypter cette nécessité. Moins d’un an après les attentats de Charlie Hebdo, de Montrouge et de la Porte de Vincennes, le carnage du Bataclan et du Stade de France (ainsi que les multiples fusillades dans les rues et sur les terrasses des restaurants du Xe et XIe arrondissements, notamment au Petit Cambodge et à la Pizzeria Cosa Nostra) provoquèrent en quelques heures un état de sidération totale. Le nombre de victimes de cette sauvagerie du 13 novembre 2015 (130 morts et plus de 350 blessés), et les lieux visés (des espaces festifs : stade, salle de spectacle, cafés, rues), mirent en lumière la volonté des salafistes djihadistes de prouver qu’ils pouvaient frapper n’importe qui, à l’endroit de leur choix. C’est une véritable guerre psychologique qu’ils veulent mener en propageant la terreur.

Cette nouvelle étape du terrorisme islamiste met parfaitement en avant l’essence d’une crise provoquée par une malveillance. On y trouve – si je puis dire – tous les symptômes de celle-ci : le déferlement, la soudaineté, l’incoercibilité, l’incompréhensibilité et l’effet de rupture. Les pratiques ordinaires de la lutte antiterroriste apparurent rapidement comme insuffisantes et le gouvernement décréta l’état d’urgence. Instantanément, la saturation médiatique s’imposa comme l’une des caractéristiques majeures des attentats. La France a vécu au rythme des commentaires et des investigations durant une semaine. La cybersphère s’enflamma parallèlement et les réseaux sociaux (Facebook en tête) devinrent en quelques minutes le centre d’une intense expression d’émotion, un outil de gestion psychologique (chacun pouvant se signaler auprès de ses proches et garantir qu’il était sain et sauf lorsqu’il se trouvait dans les arrondissements visés), puis – quelques heures plus tard – un vecteur de patriotisme et de soutien aux valeurs de  la République (filtre bleu-blanc-rouge sur la photo des profils Facebook).

Cette capacité des terroristes à s’abattre sur les cibles les plus variées nous apprend avec force que les symboles de l’Etat et de la puissance ne figurent pas forcément en priorité sur la liste d’objectifs des djihadistes. D’abord parce que les sites militaires (et publics en général) se révèlent mieux protégés que les autres, ensuite parce que le choc psychologique, idéologique, culturel et médiatique est plus fort lorsque les simples citoyens sont atteints au cœur même de leurs activités les plus ordinaires. Ainsi que l’explique à raison Amaury de Hauteclocque, l’ancien patron du RAID, les terroristes visent à créer les conditions du chaos de la manière la plus large possible, en tentant de nous contraindre à lutter contre des événements déjà passés, c’est-à-dire contre des méthodes qui auront en partie évolué dans la confrontation suivante. L’action terroriste, de plus en plus complexe, hybride des fondamentaux avec des variations tactiques nées de la riposte des forces de l’ordre. Comme n’importe quel autre groupe de criminels, les kamikazes et leurs complices s’adaptent aux dispositifs destinés à les combattre.

LA SÛRETÉ EST UNE ŒUVRE COMMUNE

Il en dérive que la stratégie de sûreté collective passe par l’implication de chacun. Ce qui signifie essentiellement deux choses. Premièrement, que les ESSD (entreprises de services de sécurité et de défense) doivent impérativement se développer et bénéficier ostensiblement des encouragements de l’Etat. Deuxièmement, que les entreprises et les organisations de la société civile doivent consentir aux investissements humains et matériels qui permettent de créer une vaste chaîne de sécurité nationale mêlant les maillons publics et privés. Contrairement à ce que l’on entend souvent dans les débats les plus stériles, il n’existe pas d’autre moyen de protéger notre pays tout en veillant à préserver nos libertés : métisser la défense étatique du territoire et des Français au moyen de l’expertise et de la volonté de s’engager des autres acteurs de la vie nationale. Cette dynamique s’affirme comme la ligne d’horizon de la pensée stratégique de l’avenir et comme le centre de gravité de tout projet d’anticipation des menaces.

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