Actualité·TRIBUNE DES MEMBRES

Les entreprises ont un rôle à jouer dans la sécurité nationale

Tribune publiée par Eric Delbecque dans Le Monde le 20 novembre 2015

 

Les attentats que vient de connaître la France interrogent aussi la sûreté des entreprises. Nous avons pu constatercruellement que les lieux publics, les espaces festifs de la vie parisienne figuraient au premier rang des cibles des djihadistes salafistes. Mais ce qui vaut pour les salles de spectacles, les cafés et les stades, vaut pour les sociétés et tous les acteurs de la vie économique. Les événements de Berre-L’Etang nous l’avaient déjà démontré. Et il importe deprendre conscience que le Bataclan est aussi une entreprise, une organisation employant des individus et exerçant une activité commerciale. En résumé, aucune firme n’est, hélas, à l’abri. Et les PME sont tout aussi exposées que de grands groupes représentant une charge symbolique forte (défense, énergie, sécurité, etc.).

Depuis vendredi dernier, il est d’ailleurs utile de noter que la demande en direction des sociétés de sécurité privée a littéralement explosé. Les moyens technologiques sont également sollicités, portiques de sécurité en tête.

Bien entendu, la question de l’armement des Entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) resurgit. Face à des terroristes maniant les explosifs et les kalachnikovs, des voix s’élèvent pour réclamer que les agents de sécurité privée puissent opposer une résistance armée. La question mérite un examen attentif. Toutefois, il convient de réfléchirpatiemment à ce sujet et de ne pas décider dans l’urgence : choisir cette option impliquerait beaucoup de précautions, àcommencer par un système de formation adapté.

En attendant, il est nécessaire de renforcer le dialogue et la coopération entre les services de sécurité et les ESSD. Il est évident qu’il serait souhaitable de libérer nos forces de l’ordre des tâches périphériques à leur cœur de métier, ceci en les transférant au secteur de la sécurité privée : garde de bâtiments, sécurisation d’établissements privés, etc. Signalons que cette problématique n’est pas neuve. Depuis la création du Conseil national des activées privées de sécurité (CNAPS) en 2011, beaucoup de chantiers furent ouverts, de la réforme de la loi de 1983 réglementant ces sociétés, à la formation des agents, en passant – précisément – par la nature de l’articulation entre public et privé.

De manière plus générale, les entreprises elles-mêmes doivent encore davantage se responsabiliser en matière de protection de leurs salariés, de leurs sites, et de leurs systèmes d’information. Sensibiliser les collaborateurs figure en haut de la liste des priorités. Renforcer la fonction sûreté également. Et s’assurer enfin de disposer de prestataires adaptés.

Le drame du 13 novembre nous invite à balayer les commentaires usés qui accompagnèrent la livraison de « l’hexagone Balard » au ministère de la défense. Lesdits commentaires constituèrent un indice fort, une fois de plus, de la manière dont notre pays conçoit le lien public/privé et le concept de sécurité nationale. Bien sûr, on pouvait légitimement posertelle ou telle question sur la gestion de ce projet. Tel coût de tel matériel a-t-il été ou non maîtrisé ? Pour le direautrement, peut-on trouver une certaine rationalité financière dans la manière dont le site a été conçu et installé ?

Mais ce qui s’avère en revanche tendancieux, c’est ce permanent sous-entendu d’illégitimité idéologique chez certains observateurs. Comme si le secteur privé constituait un paramètre nécessairement suspect lorsqu’il intervient dans le champ public, a fortiori sur le segment « sécurité nationale », défense en tête. Au-delà de cet exemple particulier, il convient de généraliser et d’affirmer (au risque de déranger ou même brutaliser les esprits sclérosés ou pusillanimes) que la sécurité nationale n’est plus le monopole de l’Etat ! C’est aussi ce que nous démontre le mode d’action des terroristes et les exigences de l’état d’urgence. Bien sûr, il appartient à l’Etat (sans contestation possible) de définir une stratégie, de fixer des règles et des normes à respecter, de contrôler le respect de celles-ci, d’assumer les décisions d’engagement de toutes les forces de sécurité, mais il ne peut plus tout faire lui-même. Et ce n’est d’ailleurs pas souhaitable. Ceci pour 5 raisons structurelles :

  • La dette souveraine s’y oppose ;
  • La sécurité nationale est une chaîne économique qui offre des gisements d’emplois ;
  • Les innovations viendront du secteur privé ;
  • Un Etat tentaculaire se révèle à la longue politiquement dangereux et inefficace sur le plan opérationnel ;
  • Notre sécurité mérite la coopération de tous et le partenariat public/privé (PPP) forme aussi un moyen de sensibilisation culturelle ;

Au bout du compte, pourquoi la présence des entreprises suscite des craintes lorsque l’on parle de dynamique de sécurité nationale ? Sans doute pour deux motifs. Le premier est la peur que le profit prenne le pas sur les nécessités du bien commun. Le second c’est que la volonté des firmes de vendre des produits et des prestations encourage le développement de la société de surveillance et contribuent à la cristallisation d’une sorte de climat sécuritaire.

Or, il est très clair que ces deux risques peuvent être raisonnablement anticipés et maîtrisés. Dans les circonstances actuelles, nous ne pouvons plus nous offrir le luxe de faux débats

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Une réflexion au sujet de « Les entreprises ont un rôle à jouer dans la sécurité nationale »

  1. Ce n’est pas gagné ! La coopération, collaboration Privé/Public c’est un peu comme la collaboration Police/Gendarmerie. C’est beau sur le papier, mais dans la réalité, disons que c’est de la fiction. Alors imaginez une collaboration Sécurité privée/Police-Gendarmerie. Pour 95% des fonctionnaires de Police et des militaires de la Gendarmerie, l’agent de sécurité est un frustré qui a raté le concours pour entrer en école (ESOG ou EPN). Lors des réunions municipales portant sur la sécurité, les CLSPD, les entreprises privées de sécurité ne sont pas conviées.
    Je pense qu’il va falloir encore attendre des années pour pouvoir juste imaginer un semblant de collaboration.

    Concernant l’armement des agents privés ? 90 % de mon personnel vient de la Gendarmerie ou de la Police et est donc capable de manier et utiliser une arme, mais si un jour une loi nous l’autorise, je refuse catégoriquement.

    Pour info, je suis ancien Sous-Officer de Gendarmerie, patron d’une entreprise privée de sécurité, et élu de ma commune.

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