Le Comité Orwell a pour vocation de faire entendre des voix différentes sur tous les sujets. Cette tribune sur les migrants de Guillaume Bigot, membre associé du comité, rompt avec l’irénisme médiatique du moment pour défendre une approche plus pragmatique. Peut-être trop, penseront certains, mais un peu de pluralisme, de franc parler et de complexité ne peut pas faire de mal.
Angela Merkel est un pur produit des jeunesses communistes de l’ex-RDA (dont elle fut militante jusqu’à 35 ans), c’est ce que vérifie sa politique d’accueil des migrants.
Pour la chancelière, vieux réflexe marxiste, la vérité reste celle des chiffres et l’économie commande. Or, les chiffres disent que l’Allemagne manque de bras. Et l’économie commande d’attirer une main d’œuvre bon marché. Angela Merkel roule désormais pour le patronat mais elle continue de confondre économie et politique.
Les fausses vérités économiques qui incitent la chancelière et à ses admirateurs à ouvrir les bras aux réfugiés correspondent à de véritables erreurs politiques.
Gageons d’abord que les Allemands pourraient mal réagir à une politique qui va inéluctablement causer des déséquilibres démographiques. De même, pour intégrer des migrants en grand nombre, il faut avoir une natalité forte car ce sont les enfants indigènes qui assimilent les nouveaux venus. Mais après tout, ces problèmes sont ceux des Allemands, pas les nôtres. En revanche, cette décision d’accueillir plusieurs dizaines de milliers de réfugiés et de le clamer haut et fort nous concerne. Cette politique déclamatoire revient à faire un trou dans le barrage de la zone Schengen. C’est une politique inconséquente qui fait comme s’il était matériellement possible de distinguer entre demandeurs d’asile et migrants économiques.
Dans les seuls pays en guerre, cette annonce peut créer un immense appel d’air et déclencher des millions de vocations au départ. Nos dirigeants n’ont guère réfléchi au fait que ces pays sont fortement peuplés (55 millions d’habitants dans ce qui reste de l’Irak et de la Syrie, 6 millions en Libye et 30 millions en Afghanistan) et que les « réfugiés » potentiels sont suffisamment nombreux pour créer des tensions dans les pays d’accueil, Allemagne et France en tête.
En 1975, après la chute de Saigon, 700 000 boat peoples du Sud avaient fui l’avancée des troupes du Nord Vietnam dont 120 000 réfugiés accueillis par la France. Mais cet exode resta limité aux seuls membres de la minorité catholique et de l’ethnie chinoise. Le Sud fut conquis par un pouvoir communiste qui ne tarda pas à fermer les frontières, une situation qui n’a rien à voir avec celle d’États faillis dont proviennent les migrants actuels. Accessoirement, le Viêt-Nam était à l’autre bout de la planète, la Libye n’est qu’à quelques jours de mer.
Cette politique actuelle de l’accueil en masse, pour généreuse qu’elle paraisse, s’opère au détriment des plus vulnérables de nos compatriotes, en particulier, de ceux qui peinent à trouver un emploi. Il n’y a pas assez de travail, de logements, de profs, d’hôpitaux, d’infirmières, de policiers. Qu’à cela ne tienne, injectons dans nos ghettos (la réalité est désormais nommée par le Premier ministre) des milliers d’habitants supplémentaires !
L’ouverture des frontières à cette main d’œuvre bon marché constituée par les flots de demandeurs d’asile en provenance des États faillis du Proche Orient passe pour une mesure « de gauche » (généreuse et universaliste) mais c’est objectivement (pour utiliser un terme marxiste) une politique de droite puisqu’elle va inévitablement exercer une pression à la baisse sur les salaires. En Allemagne, comme partout où les inégalités sociales se creusent, l’immigration aggrave la fracture entre une classe dirigeante acquise à la célébration d’un monde sans frontière, toujours plus ouvert et plus tolérant et des couches populaires exposées de plein fouet au communautarisme et à l’insécurité.
On invoque la morale pour convaincre de la nécessité de l’accueil massif et indiscriminé de réfugiés mais cette politique calamiteuse est aussi inique.
Les couches de la population les plus favorables à l’accueil des migrants sont celles qui sont les mieux formées, les moins touchées par le chômage et qui ne sûrement pas prêts à accueillir à bras ouverts de nouveaux voisins. Les migrants ne vont pas s’installer chez ceux qui sont favorables à leur venue (sauf quelques cas d’hébergement fortement médiatisés mais ultra minoritaires). Au contraire, les nouveaux arrivants vont élire domicile dans des territoires laminés par le chômage, par l’échec scolaire et travaillés par des tensions inter ethniques et inter religieuses. Être généreux par procuration, est-ce réellement faire montre de générosité ?
Nous avons d’un côté, des gouvernants qui ont fait sauter la Libye de Kadhafi, qui ont contribué à démembrer la Syrie de Bachar Al Assad, qui ont occupé l’Afghanistan et se sont félicités de la chute de Saddam Hussein et de l’autre côté, des gouvernés qui ne furent jamais consultés sur ces décisions géopolitiques malheureuses. Or, cette politique d’accueil des migrants consiste pour les premiers à faire endosser aux seconds les conséquences de leurs bévues. Les États-Unis et la Grande-Bretagne, pourtant coupables de l’effondrement de tout ordre public en Irak, ne se sentent d’ailleurs en rien responsables des dégâts humains causés par leur aventurisme.
Aux sources du droit d’asile, on trouve l’accueil fraternel que la République a(vait) toujours réservé aux ennemis de la tyrannie et non à ses partisans. Imaginons qu’en pleine guerre d’Espagne, Léon Blum ait invoqué le droit d’asile pour accorder l’asile aux réfugiés républicains comme aux déserteurs fascistes ? Le refus de regarder de près les motifs des candidats à l’exode tourne le dos aux principes qui fondent le droit d’asile mais surtout à la plus élémentaire morale. À présent, il serait inacceptable d’accorder le statut de réfugiés aux seules minorités religieuses persécutées et de le refuser aux autres mais n’est-il pas infiniment choquant, comme le font nos chancelleries, de ne pas faire la part entre les bourreaux et leurs victimes, entre ceux qui oppriment et ceux qui subissent?
Dans ce qui reste de la Libye, de l’Irak et de la Syrie, on compte encore de sincères démocrates parmi les arabes sunnites. On les compte mais on ne peut compter sur eux. Car le moment est venu de cesser de prendre les fadaises de Bernard-Henri Lévy pour une vision géopolitique.
Nos « alliés » arabes sunnites sur le terrain sont très majoritairement islamistes ou… kurdes (ces derniers sont d’ailleurs marxistes léninistes comme les vaillants combattants du PKK). Sur place, alaouites et chiites oppriment les sunnites partout où ils dominent ces derniers.
Seules les minorités yézidies, chrétiennes et kurdes sont persécutées à raison de ce qu’elles sont. Leur accorder en priorité le droit d’asile reviendrait à faire preuve d’un peu humanité mais aussi d’un minimum de lucidité. L’arrivée de ces populations soucieuses de s’intégrer (comme le sont toujours les migrants de fraîche date) pourrait en outre changer le regard de certains jeunes français issus de la deuxième et de la troisième génération. Refuser l’asile aux Kurdes, aux Chrétiens et aux Yézidis qui se trouvent, par exemple, en territoire contrôlé par l’État islamique, revient à refuser le droit d’asile aux victimes des bourreaux.
Soulevons les oripeaux de la bien-pensance et l’on trouvera l’aveuglement, la lâcheté et le refus d’aider des minorités en danger.
On dira qu’accorder systématiquement l’asile aux Chrétiens, aux Kurdes et aux Yézidis revient à faire le jeu de l’odieuse épuration religieuse entreprise par les islamistes au Levant. Cruel dilemme : faut-il que ces victimes trouvent refuge chez nous ou meurent chez elles ? L’accueil massif de ces minorités religieuses menacées de mort là-bas est peut être aussi un moyen de renforcer le fameux vivre-ensemble ici.
L’observation que le vrai drame n’est pas l’arrivée de réfugiés et immigrants en Europe, mais bien la perte que cela représente pour leurs pays d’origine, est juste et importante.
Vouloir faire une différence entre les bons réfugiés chrétiens, yézidis et autres d’un côté, et les mauvais car musulmans — comme par hasard — est troublant, et il est franchement difficile de ne pas y voir de l’islamophobie primaire. Il s’agit de pays en guerre civile, dépourvus de toute structure étatique, et vous voulez faire le tri en fonction de l’appartenance à tel ou tel groupe social, qui est, comme chez nous, d’abord une question d’héritage familial et non un choix individuel ? Que les enfants circoncis se démerdent, quoi…
Encore une remarque quant aux motivations d’Angela Merkel. Il faut sans doute plutôt chercher du côté de son éducation protestante (père pasteur) que de son appartenance aux jeunesses communistes, obligatoire pour quiquonque comptait faire des études en RDA. La réflexion démographique n’est vraiment pas primordiale pour elle ni pour les lobbys dont elle peut défendre les intérêts ; c’est un argument qu’on sort surtout pour rassurer une population inquiète de cette immigration. La position de Merkel est très proche de celle des évêques protestant(e)s (par ex. les évêques Kässmann, Junkermann ou Fehrs, qui s’est déjà illustrée dans ce sens à Hambourg, en 2013).
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Trier selon les groupes confessionnels… et parmi les seuls réfugiés « politiques »… Tout ça recèle pas mal de xénophobie… Et, par ailleurs, que fait-on du flux des autres, les réfugiés économiques ? Quel dispositif pour bloquer les millions qui se presseront, dans un proche avenir, aux frontières de Schengen, pour fuir la misère : la malnutrition et la maladie ?
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